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Pourquoi la France ne fait plus rêver les touristes ?

  • Luc Delmont
  • 7 juil.
  • 5 min de lecture
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Pendant des décennies, l’Hexagone s’est contenté de répéter qu’il était « la première destination touristique mondiale », convaincu que ce mantra suffisait à entretenir la magie. Les statistiques brutes – encore cent millions de visiteurs étrangers en 2024 – masquent cependant un malaise plus profond : la France attire toujours, mais elle séduit moins. Le panier moyen reste bien inférieur à celui de l’Espagne, la satisfaction recule, et l’image d’une destination inspirante s’effrite.


Derrière cette érosion se cache une raison rarement nommée : la France a perdu une partie de son esprit latin – ce mélange de chaleur humaine, de liberté joyeuse et d’authenticité culturelle qui faisait briller les yeux des voyageurs. Standardisation et « globalisation » de l’offre hôtelière, uniformisation de la restauration, centres-villes inondés de fast-foods et de « food trucks » importés du monde anglo-saxon, rues historiques saturées de franchises mondialisées disparition progressive du charme et du « je ne sais quoi » à la française qui fascinait le monde : tout semble concourir à affadir l’« art de vivre » à la française qui servait de signature nationale.



L'Avenue des Champs-Elysées, considérée comme "la plus belle Avenue du monde" est aujourd'hui une vitrine mettant en scène les grandes enseignes internationales
L'Avenue des Champs-Elysées, considérée comme "la plus belle Avenue du monde" est aujourd'hui une vitrine mettant en scène les grandes enseignes internationales

 

Comment retrouver le sourire, la joie de vivre et le sentiment de liberté


Lorsque l’on interroge des visiteurs qui reviennent d’Andalousie ou d’Italie, ils parlent d’abord de l’accueil : des « bonjour » sincères et spontanés, des serveurs heureux de raconter leur ville, la sensation d’être invité plutôt que pris en charge. En France, on voit d’un côté se développer un certain esprit désabusé, et de l’autres côté, le développement d’une culture de l’efficacité touristique qui a parfois remplacé la convivialité ; la pression des pics d’affluence a figé la spontanéité de l’accueil dans une logique de gestion technique des flux. Le développement de plateformes de réservation globalisés, de grandes compagnies de bus touristiques, et, d’une façon générale, de l’ubérisation généralisée de l’écolonomie ont amené une standardisation de l’expérience touristique.


Certes, ce type de phénomènes ne touchent pas uniquement la France, mais ils transforment profondément ce qui faisait jusque là l’image de marque de notre pays. Visiter la France ce n’était pas simplement prendre rapidement une photo de la tour Eiffel depuis un Tootbus, c’était avant tout goûter à un certain mode de vie, de prendre le temps de passer deux heures pour déjeuner sous une tonnelle, de s’asseoir à une terrasse à simplement regarder la vie, de se retrouver au milieu des vrais gens dans une fête de village, de discuter avec les viticulteurs passionnés, de prendre le temps de glaner des produits locaux au marché, faire un déjeuner sur l’herbe dans un bois ou au bord d’une rivière… Bien sur ces choses existent encore pour qui les cherche, mais se trouvent de plus en plus diluées dans une offre touristique uniforme sans âme.

 

Réenraciner le tourisme dans une culture revitalisée


On ne voyage plus pour voir une carte postale immobile ; on voyage pour sentir la vie d’un lieu, ses bruits, ses odeurs, ses mots, ses musiques, se couleurs. Or la vie française s’est peu à peu uniformisée : même décor, même carte bilingue réduite à trois plats, même playlist internationale en fond sonore...


  • Retrouver un sens méditerranéen de l’accueil ; non pas comme un protocole robotique à visée commerciale, mais un vrai ré-apprentissage du contact chaleureux et de la petite attention qui change tout.


  • Redonner du temps dans les plannings et du sens dans les métiers. Le quart d’heure en fin de service où l’équipe partage un verre avec les clients, ou la tournée de bienvenue à l’arrivée d’un train touristique, coûte peu et raconte beaucoup.


  • Cuisine et produits locaux : une « Table Authentique » devrait s’engager à cuisiner au moins 70 % d’ingrédients provenant d’un rayon de 150 km, à inscrire une recette régionale sur chaque menu, à nommer les producteurs. À l’heure où le visiteur traque le sens et la traçabilité, cette transparence devient un avantage comparatif.


  • Langue nationale et langues régionales : entendre un merci en breton à Quimper, une phrase de gascon sur le marché d’Auch ravive l’émotion d’un lieu. Installer une signalétique bilingue, proposer de courtes initiations dans les offices de tourisme, glisser quelques mots locaux sur les cartes des restaurants redonne couleur et relief…


    Mais surtout savoir valoriser et transmettre ce patrimoine immatériel de générations en générations, de façon vivante, en tant que lien vivent entre héritage et vie contemporaine. Pour cela il faudrait que l’état français comprenne que l’identité française, celle qui séduit les étrangers et visiteurs, ce n’est pas que le Parisianisme jacobin mais aussi et surtout l’immense diversité des cultures régionales qu'il est indispensable de défendre et promouvoir.


  • Savoir valoriser le patrimoine immatériel : transhumance, vendanges, carnavals, foires aux livres, bals de village, 14 juillets, marchés de noels… Ces événements, qui fédèrent habitants et voyageurs, étalent la fréquentation sur l’année et offrent une expérience irremplaçable, sont aujourd’hui souvent attaqués ou supprimés sous des prétextes idéologiques divers.

 

Valoriser paysages urbains et héritage sans les muséifier


La France s’est racontée au monde à travers ses monuments. Mais la mise en vitrine excessive, la prolifération des cars et l’étouffement des centres‑villes créent aujourd’hui l’effet inverse : on « consomme » Notre‑Dame ou le Mont‑Saint‑Michel à la chaîne, sans jamais respirer le pays alentour. L’esprit français, lui, relie le patrimoine et l'architecture à la vie quotidienne ; il fait dialoguer pierre, artisanat, savoirs faires, et paysages.


  • Désaturer et ré‑enchanter les espaces urbains. Bordeaux a montré la voie : piétonnisation des quais, tramway jusqu’au vignoble, mobilier discret, façades libérées de la publicité.


  • Assouplir l’espace public : plus de zones piétonnes, de bancs, de terrasses ouvertes tard. L'art de vivre à la française tient à la liberté de flâner, à la possibilité de s’attarder sans être pressé de consommer.


  • Tisser des « chemins de traverse » : petits itinéraires piétons ou cyclistes qui relient au-delà du monument que tous le monde veut voir, des ateliers d’artisans, un panorama méconnu, un café où l’on joue encore aux cartes... Balisés sans agressivité, jalonnés de bancs et de fontaines, ils invitent au ralentissement.


  • Limiter le surtourisme des lieux emblématiques ; Rendre l’espace, la vue et l’atmosphère aux visiteurs… et aux habitants – meilleurs ambassadeurs, lorsque la cohabitation reste douce.

 

Viser la qualité plutôt que de chasser le chiffre


Le salut du tourisme français ne viendra ni d’un nouveau record d’arrivées ni d’un hub aéroportuaire supplémentaire, mais d’un virage culturel : privilégier l’intensité du lien à la quantité de flux. Retrouver le sourire, célébrer la culture vivante, respecter le paysage urbain comme un art de vivre : ces trois leviers suffisent à raviver l’imaginaire d’une France joyeuse, libre et profondément humaine.



les effets d'un tourisme "instagram", dans lequel le plaisir de découvrir disparait au profit de phénomène de surtourisme
les effets d'un tourisme "instagram", dans lequel le plaisir de découvrir disparait au profit de phénomène de surtourisme

Ils exigent certes de la coordination : un État stratège pour financer les formations ou la signalétique, des collectivités pour protéger le patrimoine en l’ouvrant à la vie, des professionnels pour redevenir conteurs de leurs territoires. Mais aucune de ces actions n’est hors de portée ; elles demandent d’abord la prise de conscience que cet esprit latin est un trésor sur lequel s’appuyer, c’est la raison pour laquelle notre pays est apprécié, et non un juste cliché dépassé à déconstruire pour tenter d’être « moderne », c’est-à-dire sans âme.

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