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La théorie musicale Grecque : un pont entre l'est et l'ouest du bassin méditerranéen

  • Luc Delmont
  • 1 août
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 août


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Berceau de grandes civilisations, la région méditerranéenne a vu naître, évoluer et interagir de nombreuses traditions musicales. Cet article explore les grandes étapes de l'histoire de la musique dans le monde méditerranéen, de l'Antiquité à l'époque moderne, tout en réhabilitant l'idée que la modalité, aujourd'hui perçue comme propre aux musiques dites "orientales", appartient aussi à l'histoire musicale de l'Europe latine, même si nous l’avons oublié.

 

Antiquité : la musique grecque et ses racines orientales


La musique en Grèce antique (VIe - Ier siècle av. J.-C.) constitue l'une des premières tentatives de théorisation musicale. Figures comme Pythagore ont développé des concepts fondamentaux tels que les intervalles, les modes, ou les échelles.


Cependant, les Grecs n'étaient pas isolés : ils ont intégré des éléments issus de l'Égypte, de la Mésopotamie ou de l'Anatolie. La musique était monodique, modale, et reposait sur des instruments tels que la lyre, l'aulos ou la cithare.


Ce modèle modal grec influencera durablement toute la musique méditerranéenne.

 


Époque romaine et byzantine : continuité et transformation


Sous l'Empire romain, la musique grecque est reprise et diffusée, mais peu renouvelée sur le plan théorique. Mais avec le christianisme, une nouvelle esthétique musicale liée à la pratique religieuse émerge.


Dans l'Empire byzantin (330 - 1453), la musique devient essentiellement liturgique. Elle conserve les modes grecs anciens, et développe une notation propre (notation neumatique). C'est l'une des traditions modales les plus anciennes toujours vivantes aujourd'hui.

 


Monde arabo-musulman : synthèse et innovation


Après l'expansion de l'islam (VIIe siècle), les savants arabes traduisent et commentent les traités grecs. Al-Fârâbî, Avicenne, et d'autres développent la théorie du maqâm, système modal riche et nuancé. La musique devient un art majeur à la cour des califes, notamment à Bagdad, Cordoue, ou au Caire.


Les instruments comme le oud, le qanun ou le nay se répandent. Les traditions arabes, persanes, juives et berbères interagissent, donnant naissance à une culture musicale méditerranéenne fortement modale et ornementée.

 

 

L'Empire ottoman : un conservatoire des traditions modales


Du XVe au XIXe siècle, l'Empire ottoman, héritier à la fois de Byzance et du monde arabo-musulman, joue un rôle central dans la préservation des systèmes modaux. Le makam ottoman s'inspire des maqâms arabes, des échos byzantins, mais aussi de traditions juives et arméniennes.


Les musiciens grecs, turcs, arabes et arméniens collaborent dans les mêmes institutions musicales (palais, confréries soufies). La Grèce ottomane conserve ainsi une culture musicale fortement modale.

 


La modernité : rupture, mémoire et réinvention


Avec l'émergence des États-nations au XIXe siècle, les pays méditerranéens s'occidentalisent culturellement. En Grèce, en Turquie, en Égypte ou en Tunisie, l'éducation musicale se base sur le modèle occidental tonal. Les modes anciens sont marginalisés.


Mais cette rupture n'efface pas la mémoire modale européenne. En France, en Espagne, en Italie, la musique était majoritairement modale depuis l'époque romaine jusqu'à la Renaissance. Le plain-chant, les musiques monastiques, les chants populaires traditionnels d'Occitanie, de Corse ou de Galice, présentent des traces de cette mémoire partagée.


Les sonorités musicales que l'on perçoit aujourd'hui comme « orientales » ou « arabes », que l'on associe plus ou moins inconsciemment à des terres exotiques et des images de déserts lointains sont en réalités issues de cet héritage Grec, qui est aussi le notre.


Aujourd'hui, des formes hybrides apparaissent : le rebetiko grec, la musique andalouse au Maghreb, ou le tarab arabe urbain mêlent modalisme oriental et influences européennes (harmonie, instruments à clavier, etc.).


Face à l'uniformisation de la musique populaire globalisée, renouer avec cette histoire modale, en général oubliée ou marginalisée en occident, pourrait constituer un levier précieux pour revivifier la création musicale hexagonale, et faire émerger des formes innovantes.


En réintégrant ces éléments profondément ancrés dans notre histoire, nous pouvons réinventer des formes musicales qui nous sont propres, en alternative à l’hégémonie uniformisatrice de la "pop culture" mondialisée.


Paradoxalement, cette redécouverte ne mène pas à un repli, mais à une ouverture : car ces langages modaux nous rapprochent aussi des autres cultures du bassin méditerranéen, qui ont su conserver plus fidèlement leur lien aux traditions musicales antiques. C’est donc en se réappropriant ce patrimoine oublié que la musique française pourrait retrouver une voie propre, à la fois ouverte et enracinée.

 




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