top of page

Pourquoi nos « élites » pensent que la France devrait être un "pays du nord" ?

  • Luc Delmont
  • 7 août
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 août

ree

Dans le monde moderne, un paradoxe persiste lorsqu’il s’agit de définir le positionnement culturel et géopolitique de la France.


Bien que la France soit incontestablement une nation de langue et de culture latine, héritière des Romains et des Lumières, elle est régulièrement classée parmi les nations nordiques ou germaniques dans les regroupements géopolitiques et les classifications économiques internationales.


Malgré l’évidence de ses racines romanes, linguistiques et civilisationnelles, la France est souvent perçue et traitée comme un membre de la "sphère anglo-saxonne" ou "germanique", aux côtés de nations comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, et parfois même les États-Unis, mais rarement, voir jamais pensée comme un pays d'Europe du sud.


Ce phénomène ne relève pas seulement de la dynamique politique, mais aussi d’une construction idéologique qui, du point de vue de certains acteurs géopolitiques, semble nécessaire pour justifier leur légitimité à revendiquer l’héritage gréco-romain dans un monde moderne, où les valeurs de rationalité, de progrès et de modernité sont désormais paradoxalement souvent associées aux "pays du Nord".


L'hypothèse que nous allons explorer ici est celle qui suggère que pour les puissances germaniques, anglo-saxonnes et certaines élites françaises, il existerait un intérêt stratégique et idéologique à faire en sorte que la France soit incluse dans la sphère "nord Européenne", pour des raisons aussi bien culturelles qu’économiques.

 


La réticence à reconnaître la latinité de la France


Dans le monde contemporain, il existe une grande réticence à reconnaître la France comme une nation latine et méditerranéenne, malgré les évidences culturelles, linguistiques et civilisationnelles qui s’y rattachent.


Cette identification de la France au sein du groupe de pays "germaniques" au sens large (incluant les pays anglo-saxons), s’observe à travers divers groupements géopolitiques, économiques et culturels.


Plusieurs exemples permettent d'illustrer cette tendance :


Les classifications géopolitiques globales


Dans les organismes internationaux, la France est souvent intégrée à des regroupements de pays qui ne correspondent pas à son héritage latin, Par exemple :


  • L'ONUl'OTAN ou encore la CIA, dans leurs rapports sur les groupes régionaux et leurs analyses géopolitiques, tendent à regrouper la France aux côtés de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et des États-Unis, plutôt qu’avec l’Italie, l’Espagne ou le Portugal.




    Ce choix de classification est d'autant plus frappant que la France partage une histoire, une langue, des traditions et une culture largement commune avec ces derniers. Pourtant, elle est systématiquement associée à des pays présentés comme plus modernes, rationnels ou industriels.


    Certains évoquent des raisons géographiques, mais sur ce point, il n'est pas possible d'affirmer rationnement que la France serait plus proche géographiquement de l’Allemagne et du Royaume-Uni que de l’Italie ou de l’Espagne. Nous pourrions même renverser la remarque et argumenter à juste titre que la France partage plus de frontières communes avec ses voisins du sud qu’avec l’Angleterre (séparée par un bras de mer) ou de l’Allemagne (avec laquelle la frontière commune est bien moins longue qu’avec l’Espagne ou l’Italie).

    En termes de latitudes, certains affirmeraient que la France partagerait, sur un axe Nord/sud, un positionnement plus proche de celui de l'Allemagne que de l'Italie, qui justifierait d'associer la France au monde germanique d'Europe centrale ou d'Europe du Nord. Encore un fois, même si cette idée est largement répandue, y compris parmi les français, elle est factuellement fausse. Objectivement, la France tend à partager plus de latitudes communes avec l'Italie (notamment Italie du nord et Italie centrale) qu'avec l'Allemagne.

Cela suggèrerait plutôt l’expression, conscience ou non, d’une sorte de déni idéologique de la réalité sud-Européenne de la France.

 

 

  • Les indices de développement humain (IDH) et les indicateurs économiques classent aussi parfois la France aux côtés des nations nordiques, bien que son modèle économique et social soit plus proche de celui des autres pays latins.

    Par exemple, les indices de compétitivité ou de progrès technologique qui sont souvent utilisés pour classifier les nations modernes donnent une image biaisée de la France, la plaçant dans le groupe des grands leaders économiques avec des pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, mais en déconnectant la France de ses véritables partenaires historiques du Sud de l'Europe.


Or, en y regardant de plus près, notamment les chiffres de PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat, les taux d’emploi, le niveau économique de la France se rapproche plus de celui de ces voisins du sud que des pays Germaniques.


Ainsi, du point de vue économique rien ne permet non plus de justifier sans nuances le classement de la France parmi les pays d’Europe du Nord.


Les classifications dans l’imaginaire collectif


Dans l’imaginaire collectif, il existe aussi une tendance de présenter la France comme faisant partie de l’Europe prétendument « moderne » dans le sens d’une société hautement « individualiste », détachée des valeurs familiales « traditionnelles ».


Pourtant, lorsque l’on regarde les chiffres, c’est une autre réalité qui s’affirme. Bien que les valeurs familiales traditionnelles aient évolué depuis des décennies en faveur de plus d’individualisme, la France reste significativement plus proche de l’Italie ou de l’Espagne que les pays germaniques.


Par exemple, concernant le taux de jeunes adultes vivant chez leurs parents :

 


 

Un alignement culturel des élites françaises avec le modèle nord-européen / Anglo-saxon.


Les élites françaises, après la Seconde Guerre mondiale, ont également vu un intérêt politique à s'aligner sur le modèle nord-européen, dominé par les valeurs germaniques et anglo-saxonnes.


Cela a permis à la France de réaffirmer son rôle dans la construction d'une Europe unie, mais aussi de se prouver qu'elle faisait pleinement partie de l’Occident moderne et non d'une périphérie méditerranéenne vue avec dédain par ces élites.


Dans ce cadre, la France a progressivement été déconnectée de ses racines latines et méditerranéennes, se voyant imposer des modèles de gestion et des idéaux sociétaux venant des nations du Nord.


Dans l'Union européenne, bien que la France soit un pays fondateur, elle est souvent alignée dans une dynamique qui la rapproche des pays du Nord plutôt que des autres pays latins. C’est une logique qui se reflète dans des débats économiques et politiques où la France tend à suivre des positions plus proches de l’Allemagne ou des pays scandinaves, plutôt que de l’Italie ou de l’Espagne, malgré des liens culturels et économiques évidents.

 


L’intérêt des puissances anglo-germaniques à intégrer la France au « nord »


A. Justification de l’héritage gréco-romain


Une des raisons majeures de cet alignement géopolitique pourrait être l’intérêt des puissances germaniques (comme l’Allemagne) et anglo-saxonnes (comme les États-Unis et le Royaume-Uni) à rester connectée à l’héritage gréco-romain. L’idée serait de renforcer l’occidentalité du modèle moderne, en montrant que l’Europe du Nord est directement issue de l’Antiquité gréco-romaine, alors que les nations nordiques ou germaniques ne font pas directement partie de cet héritage.


Or, le seul chainon permettant d’assurer une continuité entre la civilisation Nord Européenne actuelle et le monde méditerranéen est la France.


En intégrant la France dans la sphère du « nord », s’opère un repositionnement symbolique qui permet aux Allemands et aux Anglo-saxons de se légitimer historiquement et culturellement dans l'héritage Gréco-romain et dans les idéaux de rationalité et de progrès. De l’autre côté, la France, en se réorientant vers un modèle plus nordique, permet de s'inscrire dans l'idée qu'elle ferait partie du "club des modernes" .


 

Quelle est la pertinence de cet alignement aujourd’hui : une réorganisation des alliances est nécessaire.


Aujourd’hui, à une époque où l'Europe se trouve face à de nouveaux défis géopolitiques et économiques, on peut se poser la question de la pertinence de cette approche nordique et anglo-saxonne pour la France.


Après plusieurs décennies d’alignement sur un modèle de société nord Européen, marqué par l’individualisme, un libéralisme économique et sociétal qui ne correspond pas aux attentes du peuple français, la France se retrouve à devoir faire un choix : persister, au risque de perdre définitivement son âme, ou changer de positionnement…


A. Le retour du Sud : Italie et Espagne comme partenaires stratégiques fiables


Depuis quelques décennies, l’Italie et l'Espagne ont largement rattrapé le niveau économique de la France. Ces pays partagent une vision commune du monde qui, bien que profondément latin et méditerranéen, est aussi marquée par une volonté de réformer l’Europe selon des valeurs et des idées qui leur sont propres. Aujourd’hui, d’un point de vue économique, la France semble avoir plus en commun avec ces nations qu’avec des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.


L’Italie et l’Espagne ont des structures économiques similaires à celles de la France, et un modèle politique qui pourrait plus naturellement s’aligner avec la France dans les années à venir, notamment autour de réformes sociales, d’intégration méditerranéenne et d’une révision du modèle économique européen.


B. Une Europe réorganisée sur des intérêts communs


La question qui se pose désormais est donc la suivante : est-il pertinent de continuer à orienter la France vers un alignement avec les pays nordiques et anglo-saxons alors que les intérêts économiques, culturels et géopolitiques pourraient être mieux servis par une réorganisation des alliances de la France, fondée sur des intérêts communs avec ses partenaires latins, tels que l’Italie, l’Espagne et le Portugal ?


Si l'alignement de la France avec l’Europe du Nord a pu être important pour son rôle dans le monde moderne, les évolutions contemporaines du monde et de l'Europe montrent que les intérêts de la France pourraient désormais mieux être servis en réorganisant ses alliances de manière plus naturelle avec ses voisins latins, comme l’Italie ou l’Espagne.

Ce réajustement pourrait permettre à la France de renouer avec ses racines culturelles tout en répondant aux réalités économiques du XXIe siècle.


 

Commentaires


  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn

© 2021 par France latine - Europe latine. Créé avec Wix.com

bottom of page