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Les racines profondes de l’identité française en méditerranée orientale

  • Luc Delmont
  • il y a 3 jours
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 6 heures


Port de Massalia, colonie Grecque qui deviendra Marseille
Port de Massalia, colonie Grecque qui deviendra Marseille

Les apports culturels et génétiques de la Préhistoire à l’Antiquité

 

L’historiographie traditionnelle tend à inscrire la formation de la culture française dans une trajectoire essentiellement occidentale et romano-chrétienne. Or, les données archéologiques, paléogénétiques et historiques révèlent une dynamique beaucoup plus ancienne et ouverte aux influences orientales. Cet article se propose d’examiner les contributions fondamentales du monde égéo-anatolien et proche-oriental à la formation des premières structures culturelles et sociales du territoire français, de l’époque néolithique à la période gallo-romaine. Il s'agit de montrer comment les migrations néolithiques venues d’Anatolie, la colonisation grecque phocéenne et les échanges méditerranéens ont constitué des vecteurs puissants de transformation, ayant légué un substrat durable à l’identité culturelle française.



1. Les migrations agricoles du Néolithique venant d'Anatolie


Les analyses paléogénétiques récentes ont établi avec certitude que les premières populations agricoles installées dans le sud de la France (notamment dans le Languedoc et la vallée du Rhône) entre 5800 et 5000 av. J.-C. sont issues d’un mouvement migratoire de longue durée depuis l’Anatolie occidentale via les Balkans (Haak et al., 2015 ; Lazaridis et al., 2014). Ce phénomène de diffusion a entraîné un remplacement génétique partiel des populations mésolithiques autochtones et une réorganisation des structures sociales. Une majorité du patrimoine génétique des français dits "de souche" trouve ses origines dans ces migrations du néolithique.


Ces premiers paysans introduisent l’agriculture céréalière, l’élevage, la céramique cardiale et des techniques de construction qui marquent durablement les paysages et les cultures matérielles du sud de la France. Leurs pratiques religieuses, leurs systèmes symboliques, et leur rapport au territoire sont déjà inscrits dans une tradition orientale aux prolongements mésopotamiens et égéens.



2. L’apport civilisationnel de la colonisation grecque : Massalia et les débuts de l’urbanité


Au VIe siècle av. J.-C., les Phocéens fondent la cité de Massalia (Marseille), qui constitue la première entité urbaine stable sur le territoire français. Cette colonie s’inscrit dans un réseau de comptoirs commerciaux grecs étendus de l’Anatolie à l’Hispanie, mais elle développe en Gaule une influence singulière, tant sur le plan économique que culturel (Dietler, 1990 ; Garcia, 2004).


Massalia joue un rôle de nœud d’échange entre les cultures méditerranéennes orientales et les sociétés celtiques de l’intérieur. L'introduction du vin et de sa consommation codifiée, en amphore grecque ou italique, marque un tournant dans les pratiques élitaires gauloises. Les grands sites aristocratiques tels que Vix ou Mont Lassois révèlent une appropriation des biens et des codes méditerranéens par les élites celtiques dès le VIe siècle av. J.-C.



3. L’écriture, la pensée grecque et l’acculturation des élites gauloises


L’influence grecque ne se limite pas à l’économie ou aux objets : elle touche également à des dimensions intellectuelles et symboliques. L’écriture grecque est attestée en Gaule méridionale sur des céramiques, des monnaies et des objets votifs, bien avant l’introduction du latin. Certaines inscriptions révèlent une appropriation active de l’alphabet grec, vraisemblablement par les élites locales (Lejeune, 1990).


Si l’on admet la transmission orale de savoirs philosophiques ou médicaux, il est possible que les échanges avec Massalia aient permis la circulation de concepts philosophiques ou cosmologiques grecs au sein des groupes druidiques, même si ces interactions restent difficiles à cerner dans le détail. Le prestige de la langue grecque comme vecteur du savoir est indéniable dans l’Antiquité, et sa diffusion en Gaule méridionale est bien attestée par les sources antiques (Strabon, Pline l’Ancien).


Dans la culture populaire, la sphère musicale constitue un autre vecteur d’influence orientale. Les instruments utilisés dans l’Antiquité celtique (lyres, cithares, tambourins, aulos) présentent des analogies frappantes avec ceux d’Asie Mineure, de Phénicie ou de Grèce. Ces objets, souvent présents dans des contextes rituels ou funéraires, traduisent une transmission des formes musicales méditerranéennes à travers les circuits d’échange (Bélis, 1993).


La fonction sociale et religieuse de la musique dans la culture celtique, quoique mal connue, semble avoir intégré ces apports dans des pratiques performatives où le son, le rythme et la parole jouaient un rôle sacré. La possibilité d’une tradition musicale composite, enracinée dans des modèles orientaux, mérite d’être davantage explorée.

 


4. L’héritage chrétien : une origine proche orientale parfois éclipsée


Si la romanisation a profondément marqué les structures politiques et juridiques de la Gaule, c’est le christianisme qui constitue sans doute l’apport culturel et spirituel le plus durable à la civilisation française. Or, ce christianisme, souvent perçu comme une composante « occidentale » ou latine de l’histoire de France, est en réalité un héritage du Proche-Orient aux dimensions multiples.


Le socle biblique de la culture chrétienne plonge ses racines dans la tradition hébraïque de l’Ancien Testament, transmise en langue sémitique, avec une cosmologie, une éthique, et une vision de l’histoire radicalement issues du monde proche-oriental antique. Quant au Nouveau Testament, il est rédigé en grec koinè, et baigne dans un univers hellénisé, mêlant concepts philosophiques grecs et traditions juives. Les premières communautés chrétiennes, les figures fondatrices (Paul de Tarse, Jean, Pierre) et les lieux de naissance du message chrétien (Jérusalem, Antioche, Éphèse) s’inscrivent tous dans cet espace culturel oriental.


La diffusion du christianisme en Gaule, dès les premiers siècles de notre ère, ne saurait donc être interprétée comme une rupture avec les influences orientales évoquées plus haut. Au contraire, elle en constitue une prolongation spirituelle, où l’Évangile, véhicule de la pensée orientale, est transmis par des missionnaires formés dans des milieux gréco-syriens. Ainsi, la pensée chrétienne, son art sacré, ses rites liturgiques, et son anthropologie morale prolongent et transforment un fond méditerranéen et levantin qui irrigue en profondeur la formation culturelle de la France médiévale et moderne.

 


5. Vers une relecture méditerranéenne orientale de l’identité française


Loin d’être un simple épiphénomène colonial, l’empreinte du monde égéo-anatolien et proche-oriental sur le territoire de la future France représente un socle historique profond, à la fois génétiquement et culturellement. Ce substrat oriental, souvent occulté par la romanisation puis la christianisation, perdure sous des formes discrètes mais persistantes : vocabulaire, topographie, pratiques agricoles, modèles artistiques, structures sociales.


Redécouvrir ces fondations, c’est repositionner la culture française dans une histoire longue de la Méditerranée.



Conclusion


La culture française ne saurait être comprise sans une prise en compte sérieuse de ses racines en méditerranée orientale, depuis les agriculteurs néolithiques anatoliens jusqu’à l’immense influence grecque sur les sociétés celtiques. Ces interactions ont joué un rôle décisif dans l’émergence de pratiques agricoles, urbaines, intellectuelles et esthétiques qui préfigurent certains traits durables de la culture française, bien avant la Romanisation.


Ce n'est pas l'arrivée de la latinité, avec la conquête de la Gaule qui a ancré le pays dans l'espace méditerranéen, mais c'est une histoire bien plus ancienne, qui s'est poursuivie avec la latinisation.


Une histoire méditerranéenne de la France ne relèverait pas du mythe, mais d’un retour aux sources réelles de sa formation culturelle permettant de raviver un récit commun pour le 21ème siècle.



Références :

– Haak et al., “Massive migration from the steppe was a source for Indo-European languages in Europe”, Nature, 2015

– Lazaridis et al., “Ancient human genomes suggest three ancestral populations for present-day Europeans”, Nature, 2014

– Dietler, M., “Driven by Drink: The Role of Drinking in the Political Economy and the Case of Early Iron Age France”, Journal of Anthropological Archaeology, 1990

– Garcia, D., La fondation de Marseille et l’histoire de la Méditerranée occidentale, 2004

– Lejeune, M., Manuel de la langue gauloise, 1990

– Bélis, A., La musique grecque, CNRS, 1993

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