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Le français, une langue latine comme les autres

  • Luc Delmont
  • il y a 7 jours
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Le français présente au taux de similitude lexicale de 89 % avec l'Italien, ce qui est plus qu'entre l'Italien et l'Espagnol (82%)
Le français présente au taux de similitude lexicale de 89 % avec l'Italien, ce qui est plus qu'entre l'Italien et l'Espagnol (82%)

Il persiste dans l’imaginaire collectif, en France comme à l’étranger, une idée tenace : le français ne serait pas vraiment une langue latine. Pas entièrement, pas complètement. Cette perception s’exprime de façons diverses : pour certains étrangers, le français « ne sonne pas latin », avec sa prononciation nasale, ses nombreux mots en “é”, ses phrases plus abstraites. Pour nombre de Français eux-mêmes, qui ne maîtrisent ni l’italien, ni l’espagnol, ni le portugais, le doute vient de l’intuition que les langues du Sud sont proches entre elles, mais que le français serait comme en marge — un monde à part.


De là découle une idée reçue puissante : la France ne ferait pas tout à fait partie du monde latin, ou du moins pas sur le plan linguistique. Elle serait, au mieux, une sorte de carrefour hybride entre germanité et latinité, sans ancrage clair. Cette lecture est non seulement fausse, mais elle oblitère une réalité fondamentale : le français est bel et bien une langue romane, fille du latin vulgaire, et l’une des plus proches de l’italien — la langue latine de référence.

 

Une même source : le latin vulgaire


Comme toutes les langues romanes (italien, espagnol, portugais, roumain, catalan, occitan…), le français est né de la transformation progressive du latin vulgaire — c’est-à-dire du latin parlé quotidiennement par les populations de l’Empire romain. En Gaule comme en Italie, cette romanisation fut profonde, durable, massive.

La chute de l’Empire, les influences locales, les invasions successives (notamment les Francs en Gaule) ont bien sûr modifié la langue. Mais elles ne l’ont pas réorientée. Le français s’est développé, comme l’italien, à partir d’une matrice latine, enrichie, adaptée, mais jamais rompue. Les différences que l’on perçoit aujourd’hui sont donc des divergences d’évolution, non des origines différentes.

 

Une parenté grammaticale particulièrement forte avec l’italien


Sur le plan grammatical, le français reste très proche de l’italien, souvent davantage que de l’espagnol ou du portugais. Les similitudes touchent des aspects essentiels :


  • Le système verbal, et en particulier l’usage fréquent des temps composés (passé composé, futur antérieur), absents ou marginalement utilisés en espagnol ou portugais.


J’ai parlé – ho parlato(vs. habléfalei)


  • L’emploi des auxiliaires être/avoir. Comme en italien, on utilise être pour les verbes de mouvement ou de changement d’état (aller, naître, venir...), là où l’espagnol ou le portugais se contentent de avoir (haberter).


Je suis né – sono nato(vs. he nacidotenho nascido)


  • La construction des phrases avec des pronoms objets multiples, presque identique entre français et italien :


Je te le donne – te lo do(vs. te lo doy, avec des règles plus souples ou différentes)


  • Le subjonctif, bien vivant dans les deux langues pour exprimer l’incertitude, le souhait, l’émotion :


Il faut que tu viennes – bisogna che tu venga

 

Un lexique très largement commun : 89 % de similarité avec l’italien


Au-delà de la grammaire, le lexique confirme cette proximité. Selon les données de l’Ethnologue, le taux de similarité lexicale entre le français et l’italien est de 89 %, contre 75 % avec l’espagnol et le portugais.

 

Couple de langues

Taux de similarité lexicale

Français – Italien

0,89

Français – Espagnol

0,75

Français – Portugais

0,75

Italien – Espagnol

0,82

Cette donnée signifie que près de neuf mots sur dix partagent une origine commune ou une forme directement reconnaissable entre le français et l’italien.

 

Quelques exemples illustrant ce point :

Français

Italien

Espagnol

Portugais

encore

ancora

todavia

ainda

mettre

mettere

poner

por

nature

natura

naturaleza

natureza

manger

mangiare

comer

comer

cœur

cuore

corazón

coração

alors

allora

entonces

entao

demain

domani

manana

amanha

ami

amico

amigo

amigo

On voit ici que l’italien reste lexicalement plus proche du français, notamment par sa fidélité à certaines structures latines intermédiaires, là où l’espagnol et le portugais ont souvent simplifié ou transformé plus profondément les sons, voire utilisent des mots de racines différentes.

 

 

Alors, pourquoi cette fausse impression d’éloignement ?


Trois raisons principales nourrissent l’idée que le français serait à part dans le monde latin :


  1. La phonétique : la prononciation du français — peu accentuée, souvent nasale, parfois opaque — contraste fortement avec les sonorités ouvertes, chantantes, syllabiques de l’italien ou de l’espagnol.


  2. Le style administratif et abstrait : du fait de son histoire monarchique puis centralisatrice, le français a longtemps été la langue du droit, de la diplomatie, de l’abstraction. Cette tendance a donné à la langue un style perçu comme plus « froid », ce qui ne dit rien de son origine.


  3. Une influence germanique surestimée : certes, des mots germaniques sont entrés dans le lexique (guerre, gant, blanc…), mais ils représentent moins de 10 % du vocabulaire courant, sans toucher aux structures profondes de la langue.

 

Conclusion : le français au cœur du monde latin


Le français est une langue latine, non seulement par ses origines, mais aussi par sa structure actuelle, par son vocabulaire, par sa syntaxe. Il n’est ni un cas hybride comme on peut parfois l'entendre

, ni un héritier affaibli du latin, ni un pont vers le monde germanique. Il est pleinement romane, au même titre que l’italien, l’espagnol ou le portugais.


Le fait que cette réalité soit mal connue, y compris en France, est regrettable. Car elle entretient l’idée que la France serait culturellement « en dehors », isolée entre le Sud latin et le Nord germanique. Or, sur le plan linguistique, historique et civilisationnel, la France est une terre latine, et le français, un de ses piliers.


Revendiquer cette appartenance, c’est rappeler que la France partage avec l’Italie, l’Espagne, le Portugal une même mémoire, une même façon de structurer la pensée, un même goût pour l’abstraction formelle comme pour la clarté rationnelle. Dans un monde fracturé, redécouvrir la latinité du français, c’est rouvrir les ponts d’une fraternité historique et linguistique à revitaliser.

 

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