la latinité : une boite à outils pour reconstruire une gauche fidèle à elle-même
- Luc Delmont
- 6 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 juin

Rebâtir une gauche républicaine : pour une reconquête par le réel
La gauche française vit une crise profonde. Déconnectée des aspirations concrètes des classes populaires, fracturée idéologiquement, trop souvent réduite à des postures morales ou universitaires, elle semble incapable de retrouver une majorité politique. Pour sortir de cette impasse, elle doit opérer une clarification de ses fondamentaux, renouer avec le réel, et cesser de fuir les questions que se posent des millions de citoyens : sécurité, immigration, autorité, identité, laïcité. En somme, elle doit redevenir pleinement républicaine, sans renier ce qui fait son cœur : la justice sociale, l’égalité, le progrès partagé.
Ne plus céder sur les sujets régaliens
Trop longtemps, la gauche a considéré que les sujets régaliens étaient périphériques, voire suspects. En abandonnant à la droite — voire à l’extrême droite — le monopole de la parole sur la sécurité, l’ordre public, les frontières ou l’assimilation, elle a trahi une partie de son propre peuple. Or, ce sont les classes populaires, souvent les plus fragiles, qui subissent au quotidien l’insécurité, les incivilités, le sentiment d’abandon des services publics, les effets désorganisateurs d’une immigration mal régulée. Une gauche qui déserte ces sujets n’est pas une gauche morale : elle est une gauche hors-sol.
Assumer la sécurité comme un droit fondamental, défendre l’autorité de l’État face aux zones de non-droit, lutter sans relâche contre la délinquance et les trafics, ce n’est pas "faire le jeu de l’extrême droite". C’est retrouver le lien avec ceux qui n’ont que l’État pour les défendre. De même, la maîtrise des flux migratoires ne doit plus être un tabou.
Il ne s’agit pas de rejeter l’étranger, mais de refonder une politique d’intégration exigeante, où l’accueil est à la fois digne et conditionné à l’adhésion aux principes républicains : égalité, laïcité, refus du communautarisme.
Refuser la fragmentation identitaire
La gauche s’est également laissée contaminer par des logiques issues du monde anglo-saxon, notamment celles de l’idéologie "woke" ou des luttes intersectionnelles. Si certaines de ces approches ont pu révéler des injustices réelles (racisme systémique, discriminations de genre, etc.), elles ont aussi introduit dans le débat public une logique de fragmentation, voire d’opposition permanente entre les individus en fonction de leur origine, de leur couleur de peau, de leur genre ou de leur orientation sexuelle.
Cette approche, en essentialisant les identités, détruit l’idéal universaliste. Elle remplace le projet commun par une somme de revendications particulières. Elle divise là où la République cherche à unir. Or, la force de la gauche française a toujours été sa capacité à rassembler autour d’un projet commun d’émancipation humaine — pas à additionner les minorités dans une compétition victimaire.
Il est temps de sortir de cette dérive qui confond justice sociale et morale culpabilisatrice, et qui finit par faire le jeu des réactionnaires.
Réinvestir la culture républicaine
La gauche doit réaffirmer que l’école publique, la laïcité, la transmission des savoirs, sont des outils d’émancipation. Le combat contre les inégalités ne se gagne pas en adaptant l’école à chaque "culture", mais en donnant à tous les élèves les clefs d’un savoir commun, exigeant et structurant. Il faut redonner à la nation sa dimension culturelle, civique et républicaine. Cela suppose de défendre l’assimilation comme un idéal d’intégration — et non comme une oppression — car elle repose sur un contrat clair : accueillir, oui ; mais pour faire société ensemble, pas pour vivre côte à côte dans l’indifférence ou le rejet mutuel.
Ce modèle exige aussi un État fort, au service de tous, garant des services publics, de la justice, de la solidarité et de la souveraineté démocratique. C’est ce modèle français que la gauche doit restaurer, contre la dilution libérale comme contre les replis identitaires.
La latinité comme horizon républicain
Pour réconcilier l’héritage de gauche avec les spécificités culturelles françaises, il est temps de réinvestir la notion de latinité. Celle-ci n’est pas une nostalgie ethniciste, mais une manière de penser une culture républicaine enracinée, populaire et ouverte. La latinité valorise la langue, la convivialité, la transmission, l’égalité dans la différence, l’attachement au bien commun. Elle conjugue liberté individuelle et attachement à une forme de civilisation partagée, chaleureuse, incarnée, où l’universel ne gomme pas les particularismes, mais les élève à travers une culture commune.
Dans un monde fragmenté, la latinité peut offrir à la gauche un cadre culturel cohérent pour refonder un récit politique : ni nationaliste, ni déraciné ; ni réactionnaire, ni hors-sol. Une gauche latine serait une gauche du lien, de la mémoire, de l’humanisme, capable de parler à la fois aux classes populaires, aux ouvriers, aux enseignants, aux soignants, aux jeunes de banlieue comme aux habitants des territoires ruraux.
Conclusion : renouer avec une gauche du réel et du commun
La gauche ne reviendra pas au pouvoir en répétant les slogans d’hier, ni en se diluant dans les luttes morcelées du moment. Elle le pourra si elle accepte de redevenir une force populaire, républicaine et enracinée. Cela implique de défendre l’ordre et la justice, la laïcité et la solidarité, l’unité nationale et les droits sociaux. De réconcilier le peuple avec la politique, en lui parlant vrai, en assumant des choix difficiles mais cohérents.
Refonder la gauche, c’est refuser les caricatures — celle d’une gauche autoritaire et punitive, comme celle d’une gauche culpabilisatrice et boboïsée. C’est bâtir un projet d’émancipation réaliste, courageux et profondément français. La latinité, au croisement de la culture populaire, du service public et de l’humanisme républicain, peut être le levier de cette renaissance.
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