L'Union de l'Europe latine : un projet d'avenir pour la France
- Luc Delmont
- 1 déc. 2021
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 juin

Lors de la crise financière de 2008, le traitement honteux infligé à la Grèce par les pays nordiques de l’Union Européenne répondait à des critères budgétaires excessivement puritains et à un souhait malsain de punir à titre d’exemple le malheureux peuple grec, innocente victime de l’incompétence affligeante dont avaient fait preuve leurs dirigeants.
Le règne sans partage de l’idéologie libérale qui gouverne l’Europe depuis plus de 50 ans a conduit à un élargissement effréné de l’Union Européenne et à un démantèlement irréfléchi des frontières extérieures de l’Union, afin d’étendre indéfiniment le grand marché et d’alimenter la soif insatiable de croissance et de conquête d’économies nationales, droguées aux échanges internationaux et totalement dépendantes des exportations.
La vague migratoire de 2015, déclenchée au nom du respect des grands principes démocratiques et des droits de l’homme n’était, en fait, inspirée que par les sordides calculs de politiciens et de patronats européens unis dans la quête d’une main d’œuvre docile et corvéable à merci qui puisse pousser à la baisse les salaires et réduire les acquis sociaux de la main d’œuvre européenne. Face au coronavirus, l’Europe, soumise à ces maîtres sans pitié, vient une nouvelle fois de démontrer, en pleine lumière et devant nos peuples atterrés, sa totale incapacité à apporter une solution efficace, solidaire et porteuse d’espoir au grave danger qui menace l’existence et la prospérité de nos concitoyens.
Aux yeux de tous, l’Union Européenne n’est plus que l’addition d’intérêts et d’égoïsmes particuliers, qui se fissure à la moindre occasion, le principe du chacun pour soi prenant immédiatement le pas sur toute autre considération. L’Europe rêvée et imaginée par nos pères et grands-pères, a rétréci, rapetissé, disparu. Elle s’est transformée, au fil du dernier demi-siècle, en une communauté d’Etats vieillis et égoïstes, soumis aux diktats des lobbys et fonctionnaires, paralysée par l’inaction.
Nous avons fait l’erreur de construire un projet politique sur des intérêts exclusivement économiques et sur une idéologie libérale et individualiste, là où il aurait fallu concevoir un projet politique basé et centré sur l’humain, la solidarité, l’entraide et l’amitié entre nos peuples. Mais cela est-il simplement possible avec 27 pays représentant plusieurs civilisations ? Revélées suite aux différentes crises (financières, migratoires, CoVid), les fractures culturelles entre les « différentes Europes » ce sont soudainement rappelées à nous.
Au moins, à cet égard, les 3 grandes puissances européennes du Sud de l’Europe, l’Espagne, la France et l’Italie, partagent des défis communs : une dette nationale importante ; une pression migratoire récurrente sur leurs frontières du sud ; des défis sécuritaires critiques en relation avec leur voisinage méditerranéen, avec le Moyen-Orient et avec l’Afrique ; des activités agricoles socialement et économiquement vitales, des problèmes d’approvisionnements et de ressources énergétiques ; une dépendance commerciale et un déséquilibre quasi-permanent des échanges avec les pays du nord de l’Europe.
Ces défis exigent des réponses coordonnées, qui pourront avoir lieu au sein d’une forme nouvelle d’Union Latine entre l’Espagne, la France, l’Italie, auxquels, plus tard, pourront se joindre le Portugal, voire la Grèce, à l’exclusion de tout autre pays afin de ne pas reproduire l’erreur d’élargissements coûteux et paralysants et de pouvoir construire une vraie solidarité sociétale à une échelle maîtrisable et réaliste.
Sur le plan économique, le PIB additionné de l’Espagne, la France et l’Italie dépasse 6000 milliards d’euros et serait été troisième au niveau mondial, devant le Japon. En ce début de 21ème siècle, les Français ne semblent ne plus savoir qui ils sont, quelle est leur identité, quelle voix ils doivent porter à travers le monde. A vouloir croire que son destin particulier ne se résume qu’en termes de droit et grands principes universels la France a oublié qu’elle était aussi une culture, un esprit, incarnant une civilisation propre. Lentement, et aveuglée par les lumières de la modernité Anglo-Saxonne, la France a oublié qu’elle est fille de la méditerranée. Elle en a en grande partie perdu son âme, elle ne sait plus comment agir dans le monde, en Europe et dans le bassin méditerranéen.
L’Europe fondée sur le « couple Franco-Allemand » est en crise
Depuis des décennies, la France est activement engagée dans la construction Européenne, main dans la main avec l’Allemagne. Le « couple franco-Allemand » a donc constitué, dès les années 50, le « moteur » sur lequel nous souhaitions construire un continent pacifié, qui oublierait les conflits récurrents ayant vu violemment s’affronter la France et l’Allemagne durant le siècle passé. Il s’agissait alors de tout faire pour réconcilier ces deux nations.
C’est aujourd’hui une mission accomplie ! Plus personne en France n’a d’hostilité pour l’Allemagne et plus aucun Allemand ne souhaite occuper la France au nom de quelconque théorie racialiste dépassée… et tant mieux !
Soixante ans après le traité de Rome, le sujet n’est plus celui-là. Dans une Union Européenne qui compte désormais 27 pays, qui représente dans un même ensemble des cultures slaves, germaniques et latines… toutes engagées sous la houlette de l’OTAN et engagés dans des processus actifs d’ouverture des marchés et d’uniformisation culturelle sur le modèle anglo-saxon, le contexte a définitivement changé, et de façon radicale…
Le sujet aujourd’hui est de définir quelle Europe nous voulons, et quel rôle la France souhaite y tenir. L’enjeu est de savoir comment réorganiser les relations entre les nations pour que celles-ci puissent protéger leurs cultures face au rouleau compresseur global, dont l’union Européenne est petit à petit devenue la complice.
Comme j’ai pu l’aborder au-dessus, l’évolution d’une union Européenne initialement présentée comme protectrice face à l’hégémonie économique et culturelle des Etats-Unis à une union Européenne qui se pense principalement comme un grand espace de libre-échange à l’Américaine s’est faite petit à petit, sous l’influence idéologique des pays du nord, marqués par le souvenir de la ligue Hanséatique, quand les marchands allemands et Hollandais dominaient des routes commerciales de la mer du Nord et de la Baltique.
La vision que portait la France, qui définissait l’Europe comme espace de culture et de civilisation particulière s’est petit à petit effacé. Il ne semble plus possible aujourd’hui, dans une union comportant 27 nations différentes, d’espérer pouvoir imposer un modèle unique pour tous les pays, au risque de contrarier toutes les « différentes Europes » qui composent notre continent.
Il pourrait alors être question de passer d’une « Union Européenne » qui écrase la diversité des civilisations qui la constituent, à une « Europe des Unions », défendant les spécificités des différentes aires culturelles qui composent le territoire Européen.
Refonder l’Europe à partir de ses aires civilisationnelles distinctes.
De la même façon que la plupart des Etats-nations Européens modernes se sont généralement construits autour de régions et provinces linguistiquement et culturellement proches, il semblerait plus pertinent de repenser le continent Européen et le bassin méditerranéen à partir de sous-ensembles culturels et civilisationnels cohérents amenés à coopérer, plutôt que de faire entrer « de force » des nations aux histoires et identités très différentes dans un modèle unique.

C’est d’ailleurs ce qui commence à s’esquisser de façon informelle et spontanée avec la structuration de pays autour du « groupe de visegrad », de « la nouvelle ligue Hanséatique » ou de « l’euromed7 ». Pour la France cela signifierait tout d’abord d’abandonner le mythe sacré du « couple franco-Allemand » qui n’a plus aucune raison d’être.

Et ainsi, plutôt que de chercher à construire avec l’Allemagne un « cœur » fédéral Européen qui ne repose sur aucune réalité culturelle ou historique, mais de proposer un rapprochement culturel, stratégique, voire économique à nos voisins du sud, Italie, Espagne et Portugal.
Les contours de ce rapprochement seraient à définir, mais finalement nous avons, par l’union Européenne, déjà un certain nombre d’atouts (monnaie commune qui pourrait être amenée à s’autonomiser par rapport à l’Euro du nord), partenariats inter-régionaux, interactions frontalières, appartenance à certains ensembles comme l’Euromed7, etc.
Les structures permettant d’engager des rapprochements en vue de porter la défense d’intérêts communs existent déjà. Ils ne demandent plus qu’à avoir une certaine autonomie par rapport aux pays du nord pour être en mesure de défendre pleinement nos intérêts particuliers et communs à l’Europe latine.
Des coordinations et partenariats économiques pourraient ainsi être portés sous l’angle du partenariat volontaire plutôt que celui de la bureaucratie imposée, mais surtout, cela nous permettrait de mettre en place une véritable coordination politique et culturelle en faveur d’une approche spécifiquement latine de nos sociétés.
Tout cela pourrait se faire sans sortir de l’union Européenne. Il s’agirait alors d’une union Européenne réduite au strict minimum, une sorte de club de bon voisinage ou les états-nations ou les ensembles d’états-nations pourraient mettre en place des projets de coopération économique « à la carte », voire même des projets de défense sur des sujets communs touchant l’ensemble du continent.
L’Europe latine : Un ensemble cohérent avec des valeurs spécifiques
L’union latine n’aurait pas vocation à devenir une nation, mais une association de nations mettant en commun leurs forces en vue de défendre leurs intérêts particuliers et intérêts communs, qui ne sont pas ceux de l’Europe du nord.
A la différence de l’union Européenne actuelle, cette union pourrait être en mesure de mettre en place des politiques culturelles, économiques, linguistiques communes, en mesure de faire contrepoids au monde anglo-saxon ou germanique. Le nombre limité de nations réduirait considérablement le risque de blocage institutionnel lié à la présence de trop de pays aux intérêts et aux approches de l’économie trop divergents.
Cette union ne posséderait que 4 langues nationales : Italien, Espagnol, Français et Portugais, ainsi que quelques langues régionales couramment pratiquées comme la Catalan. La proximité linguistique de chacune de ces langues au sein de la famille des langues néo-latines fait que l’apprentissage d’une autre langue de l’union serait facile, et que, contrairement à ce qui se passe dans l’union Européenne, le recours à la langue Anglaise comme « lingua franca » par défaut ne s’imposerait plus. Chacun aurait juste à apprendre une langue supplémentaire en dehors de la sienne et la communication deviendrait possible sans difficultés dans la plupart des cas. Etant donné le nombre limité de langues, il n’y aurait pas de domination d’une des trois langues nationales sur toutes les autres comme c’est aujourd’hui le cas dans l’union Européenne avec l’anglais. Cela permettrait d’éviter que ce projet d’union ne constitue en fait un anéantissement des cultures locales au profit d’une culture hégémonique.
En fait, pour pouvoir communiquer, il suffirait que chacun puisse apprendre une de ces trois langues (Italien, Français ou Espagnol), en plus de sa langue maternelle pour pouvoir communiquer dans la plupart des cas. Ces trois langues, représentant chacune les trois principales nations de l’union latine seraient au même niveau de rayonnement sur les autres.
Chacune de ces trois langues ayant une légitimité et un rayonnement international majeur : L’Italien jouissant de la portée symbolique et historique de l’héritage Romain, le Français jouissant d’un statut international et d’une bonne représentation dans les instances diplomatiques mondiales, et l’Espagnol étant le seconde langue la plus parlé dans le monde, jouissant par ailleurs d’une importance croissante dans les médias internationaux, notamment aux Etats-Unis du fait de la très importante communauté hispanophone présente dans ce pays. La langue Espagnole constituant un porte d’entrée majeure dans le continent Américain, y compris en Amérique du nord et permettant de constituer un pont entre l’Europe latine et l’Amérique latine dont les destins, bien que différents, peuvent être directement liés.
Un ensemble de 200 millions d’habitants rayonnant dans le monde
Alors que l’Union Européenne, avec ses 27 nations si différentes les unes des autres, est devenue un géant aux pieds d’argile incapable de produire une vision commune et de se projeter dans le monde. Incapable de tenir un discours dans le concert mondialisé des puissances émergentes. Un ensemble incapable de défendre les caractéristiques des sociétés la constituant. Au contraire, pour beaucoup de monde, cette union Européenne est devenue le synonyme de l’accélération de l’uniformisation des sociétés et de l’effacement de ses identités…
A l’inverse, l’union latine constituerait, avec de près de 200 millions d’habitants, un ensemble cohérent et suffisamment important pour conserver une voix portante.
Constituée de trois des 10 principales économies mondiales, disposant d’un siège permanent au conseil de l’ONU, dotée de la bombe atomique, et ayant des capacités spatiales. Cela constituerait un bloc d’envergure mondiale et capable de dialoguer avec les plus grandes nations du monde : USA, brésil, Inde, Chine, Europe du nord, Russie… tout en conservant une cohérence culturelle que n’a pas l’UE.
Ce projet d’organisation permettrait de dépasser la situation de blocage institutionnel et idéologique que connait actuellement l’union Européenne entre ses 3 grands espaces culturels aux approches divergentes : pour schématiser, pays d´Europe du nord, pays du sud et pays de l’est. Ces trois entités restant autonomes les unes par rapport aux autres, tout en ayant la possibilité de recourir ponctuellement à des démarches de partage ou de coopération ponctuelle au sein d’une Union Européenne dont le rôle pourrait être limité à celui d’une sorte de syndicat de copropriété du continent Européen.
Les grandes lignes esquissées ici ne sont que des pistes, des hypothèses de réflexions ouvertes. Dans tous les cas, il semble clair pour la plupart d’entre nous que la direction actuellement prise par l’union Européenne telle qu’elle se construit ne soit pas tenable sur le long terme.
Pour la France, pour l’Italie, pour l’Espagne et le Portugal, poursuivre la voie actuellement en cours signifie à moyen terme être enchaîné à l’Europe du nord et de risquer d’en devenir à terme la périphérie pauvre ou réduite à un simple espace de loisirs estival.
Ceci tout en perdant inexorablement les atouts conférés par nos cultures spécifiques et notre approche particulière de l’identité, profondément distincte de la société dite multiculturelle promue par le monde anglo-saxon et l’Union Européenne actuelle. En, effet, je pense que c’est là que se trouve le principal enjeu, au-delà des questions particulières de développement économique et de coopération régionale.
Le modèle Anglo-Saxon est aujourd’hui indirectement favorisé par l’union Européenne qui ne joue plus son rôle protecteur des intérêts et les particularités des nations Européennes, et en particulier des nations non « germaniques/ protestantes ».
L’objectif pour la France serait alors d’être capable de porter à nouveau la défense des valeurs spécifiques de l’Europe Romane. Tel est, nous le croyons, la vocation française pour le 21ème siècle.




No me parece muy exitoso, tu proyecto, no? Soy el único comentador?
Pour une telle Europe, la langue commune serait toute trouvée, le latin, à la place de l'américain ou de l'anglais scolaire (Même si l'anglais a des grosses racines latines, il n'est pas neutre surtout dans le contexte actuel)
C'est effectivement une idée qui me trotte dans la tête à moi aussi depuis plusieurs décennie ... la guerre que nous font les USA aujourd'hui, en s'appuyant sur la (haute) trahison de nos dirigeants politiques, me conforte dans l'idée qu'il faut trouver un autre type d'alliance. Partir d'une base civilisationnelle gréco-latine, pas strictement latine, serait une assez bonne idée.