Architectures, territoires et Romanité
- Luc Delmont
- 19 déc. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 janv. 2022

Une approche spécifique de l'architecture
De la même façon qu’il favorise le développement des principales productions agricoles emblématiques de l’Europe méridionale, le climat français, combiné à l'héritage Gréco-Romain, a favorisé le développement d’un certain nombre d'éléments architecturaux et urbains emblématiques des pays du sud du continent.

Toits du Vieux Lyon, quartier dense, aux toitures à faible pente recouvertes de tuiles romanes

Les couvertures de toitures à « tuile romane » (dite aussi tuile canal), recouvre une large moitié sud du pays (à l’exception de certaines régions montagneuses), remontant jusqu’à Nantes à l’ouest et Macon à l’est.
Au nord de la Loire, les toitures romaines « imbrex et tégula », qui existaient dans les villes du temps de l'empire, ont progressivement disparu lors du moyen-âge au profit de type de toitures en chaume, issues de l’architecture vernaculaire rurale préexistante dans ces régions.

La France et ses types de toitures, participant largement à définir le caractère des différentes régions. A l’exception des zones de montagnes, La carte de Robert Pitte, toujours pertinente de nos jours, montre une opposition nette en une France du nord, aux toitures à forte pente et couvertures d’ardoises ou de tuiles plates, et une France du sud, aux toitures à faibles pentes et recouvertes de tuiles canal (également appelées tuiles Romanes), issues d'une évolution des toitures Romaines "imbrex et tégula".
La question des ouvertures du bâti, du rapport entre l'intérieur et l'extérieur est un des aspects marquants de l’opposition entre le nord et le sud de l’Europe. Au nord, notamment en réaction au manque d’ensoleillement, mais aussi du fait d’une certaine culture de la transparence héritée de l’éthique protestante, les bâtis tendent à être largement ajourés et transparents.

Façades caractéristiques des Pays Bas et de l'Angleterre, marqués par leurs larges ouvertures et l'absence de fermetures occultantes.
A l’inverse, dans le sud de l’Europe, y compris en France, le bâti est plus introverti. L’architecture traditionnelle présente des ouvertures plus étroites, favorisant les dispositifs extérieurs occultant la vue et les apports solaires, mais occultant aussi les regards et conservant l'intimité de l'espace privé.

En France, Italie ou Espagne, l’usage des volets battants, volets roulants ou persiennes est assez généralisé. A l’inverse, aux Pays-Bas, en Angleterre ou dans le nord de l’Allemagne l’intérieur des maisons est largement ouvert sur l’extérieur, sans dispositifs occultants
Une approche urbanistique propre à l'Europe du sud
D'une façon plus générale, Les villes du sud de l'Europe tendent à présenter des densités bâties très importantes par rapport aux villes d'Europe du nord. Dans cet urbanisme emprunt de caractéristiques méditerranéennes, l'organisation des bâtiments se fait souvent de façon compacte autour de cours privatives, venelles et passages privés.

Les tissus urbains sont largement organisés et structurés autour d'espaces publics fédérateurs qui se déclinent dans un large vocabulaire d'espaces aux usages et caractéristiques propres : places et placettes, venelles, ruelles, larges boulevards et avenues, terrasses, jardins composés, mails, ramblas, etc. Bien entendu, des espaces publics existent aussi dans d'autres aires culturelles, mais celle-ci ont pris une dimension particulière dans les pays directement marqués par l'urbanité de la civilisation Gréco-Romaine depuis plus de 2 000 ans.
Cette différence de cultures urbaines se ressent de façon assez intuitive aujourd'hui lorsque l'on compare les clichés et vues aériennes des centre-ville des grandes villes d'Europe : Ci-contre de haut en bas, les troisièmes plus grandes villes du Royaume-Uni, d'Allemagne, de France et d'Italie ; Birmingham; Hambourg, Lyon et Naples.
Le tissu urbain dense et compact des villes Françaises, ainsi que leur articulation et structuration autour d'un large vocabulaire d'espaces publics variés traduisent de façon assez nette notre appartenance à la civilisation sud-Européenne, qui est porteuse de modes de vie spécifiquement méditerranéens,
Loin de devoir rester dans le domaine de la mémoire ou du patrimoine, les approches spécifiques que la France et les pays de l'Europe latine entretiennent avec l'aménagement, qu'il soit urbain, paysager ou architectural sont hautement porteuses d'identité. Elle sont un vecteur de modes de vies aux racines méditerranéennes, dans lesquels se conjuguent l'intimité cachée de l'espace privé et la convivialité joyeuse de l'espace public. Puiser de nouveau vers les formes urbaines et architecturales léguées par la stratification des siècles sur nos territoires permettra aux architectes de trouver la nourriture spirituelle permettant d'inventer un nouveau vocabulaire réellement local et contemporain, pour dépasser les dogmes surannés de la modernité internationale aujourd'hui devenue obsolète.




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